Né à Dunkerque, au n°18 de la rue du
Pied de Vache, le 2 janvier 1827, fils de Louis, instituteur, et Sophie
Verlière. Dans sa jeunesse il est musicien au théâtre où il joue du
violoncelle, mais il est aussi réputé pour ses qualités de chanteur comique et joue aussi la comédie où il excelle dans les „rôles charges“ nous
précise Victor Letellier (Une Année à Dunkerque, 1850), par exemple le 1er
juin 1850, à Bergues pour la kermesse : M. Manotte de Dunkerque, est
venu clore la soirée par des chansonnettes qui ont provoqué le fou rire et qui
avaient au suprême degré le don de désopiler nos placides organisations
berguenaerdes. (L’Artiste, revue du
Nord de la France)
Le 23 juillet 1853, le journal La
Dunkerquoise nous apprend que le choix de l’administration s’est arrêtée en
faveur sur T. Manotte pour l’emploi de carillonneur municipal, et que l’on
renonce à l’air de la Dame Blanche à
la sonnerie des heures. Ce qui est confirmé par l’arrêté du maire du 27
décembre : Considérant que la restauration récente du carillon de la tour du
beffroi nécessite la nomination d’un carillonneur et que M. Théophile Théodore
Manotte, musicien, né et demeurant en cette ville a les qualités requises pour
bien remplir cet emploi, vu l’art. 12 de la loi du 18 juillet 1837, arrête :
art 1er, M. Manotte est nommé à l’emploi de carillonneur de la tour
du beffroi de cette ville. Art 2, il sera tenu de jouer le samedi et le
dimanche et aux jours de fêtes civiles et religieuses, de onze heures à midi.
Dans toutes les occasions où l’administration municipale jugera à propos de
prescrire le jeu du carillon, il suivra les indications qu’elle lui donnera à
cet effet. Art. 3, il jouira du traitement annuel de 600 francs et il le
touchera à partir du 1er octobre 1853, date de son entrée en fonction. Il
n’aura droit à aucune indemnité pour le jeu du carillon en dehors des jours et
des heures prévus dans l’article précédent.
Vers 1855 nous le découvrons
marchand de vins en gros, 25 rue du Lion d’Or, associé à Louis Gysel, de
Calais, grâce à une lettre passée en vente sur un site d’enchères. Quelques
années plus tard il est membre de l’Orphéon Dunkerquois, il est fondateur de la
chorale en 1857 et participe au déplacement à Paris relaté par Raymond de Bertrand
dans les Mémoires de la Société Dunkerquoise en 1858. Il est représenté dans un
tableau qui fait ornement dans l’une des
salles de la société, [et qui] en
offre la nomenclature suivante : MM. Louis Atteleyn, Louis Crujeot, Henri
Cutsaert, Auguste Degravier, Victor Derode père, Léon Derode, Victor Derode
fils, Edouard Detraux, Edmond d’Ingrande, Auguste Everhaert, Léon Gourdin,
Jules Hauw, Albert Hellbusch, Paul Hibon, Gustave Hondschoete, Antoine Huot,
John Irwin, Noël Leblond, Charles Leduc, Charles Leroy, Louis Manotte,
Théophile Manotte, Léon Manotte, Adolphe Pieters, Emile Pouleur, Auguste
Robyn, Alphonse Sapelier, Désiré Vancauwenberghe, Victor Vandenberghe,
Auguste Vantroyen et Benjamin Villette.
Changement de parcours
Que se passe-t-il entre 1860 et
1869 ? on ne sait. Pourquoi se retrouve-t-il à Nice le 15 août 1869, chef
de la musique municipale, compositeur de la cantate en l’honneur de Masséna,
chantée par un chœur de 200 chanteurs, niçois et soldats du 5e de
ligne, accompagnés par la musique militaire, au Théâtre Impérial de Nice pour l’inauguration de la statue ? on ne le saura sans doute jamais.
source : BNF |
De son activité à Nice on retient
principalement ses cours donnés à la grande bourgeoisie en résidence sur la
côte qui n’est pas encore d’Azur. Ainsi Marie Bashkirseff relate dans son
journal en juin 1873 Mannotte était très
content de moi ce matin, j’ai joué une partie du concerto de Mendelssohn sans
une faute. Sa fille, Jeanne Manotte, née à Dunkerque en 1856, est également
professeur de piano elle a tout juste 20 ans. Artiste musicienne et concertiste,
elle a fait ses études musicales au Conservatoire de Paris où elle obtient un 1er
prix de piano en 1874, elle se produit à Nice dès 1875 en solo et en duo avec
son père. En 1883 elle épouse Jean Billa,
architecte né à Valparaiso (Chili) en 1858. Après son mariage elle continue de donner des concerts. On peut l’écouter en 1887 au casino de
Monte-Carlo, à Monaco où le gratin européen se retrouve « On signale à Monaco une foule de visiteurs
de distinction : ce ne sont que prince et altesses. Citons le duc
d’Edimbourg, le prince George, fils du prince de Galles ; le prince de Battenberg, gendre de la reine Victoria ; le grand duc et la grande
duchesse de Meklembourg, le prince et la princesse Waldemar, le prince de
Leuchtenberg, etc. Les concerts sont toujours très suivis : celui où l’on
a entendu Mme Billa-Manotte, pianiste émérite, a été particulièrement brillant »
(Le Triboulet) et ainsi jusque vers 1890. Ensuite elle suit son époux à Paris,
165 rue de Courcelles où elle donne des cours et des leçons particulières de
piano et solfège. Elle participe à de nombreux concerts, avec les artistes
parisiens et y croise la compositrice Cécile Chaminade qui lui dédie sa 2e Valse op. 77, en 1895.
En 1899, salle Mustel, 46 rue de Douai, elle se produit
avec son fils, et élève, René Billa (La Gazette de France). En 1900 elle est
nommée officier d’académie. René est né en 1884 à Nice, lui aussi obtient un 1er
prix de piano au Conservatoire de Paris en 1901. Il deviendra un concertiste et
compositeur réputé, il épouse en 1908 Aimée La Villette, plus connue,
maintenant, sous son pseudonyme Rita Strohl, une compositrice féconde. Mais c’est
une autre histoire.
Théophile Manotte meurt le 8 juin
1900 à Nice, 9 rue d’Italie, Les obsèques
du regretté artiste auquel Nice doit la création de sa musique municipale, ont
eu lieu hier matin au milieu d’une affluence émue où figuraient la plupart des
notabilités niçoises. Le cortège funèbre a quitté la maison mortuaire à 8 h
1/2, précédé par la Musique municipale qui n’a cessé d’exécuter des marches
funèbres, sous la direction de son sous-chef M. Trastour. Le char disparaissait
sous les fleurs et les couronnes. Parmi les plus belles, citons celles du grand
et du petit Lycée, dont le défunt dirigeait avec tant de distinction les cours
de musique ; la couronne de la Musique municipale, portée à bras par deux
membres qui font partie de notre première Société musicale depuis sa fondation,
etc. Le deuil était conduit par M. Billa, gendre du défunt. Près de lui
marchaient M. Sauvan, maire de Nice et M. Olivier, proviseur du Lycée. Les
cordons du poêle étaient tenus par M. CHANAL, inspecteur d’académie ; M. Pivet,
chef de la Musique municipale, et par les jeunes Eugène Kiss et Lattes, élèves
du défunt. Dans le cortège noté tous les professeurs et l’aumônier du Lycée,
les chefs de musique et des Sociétés chorales de la ville, etc. La cérémonie
funèbre a été célébrée à l’église Notre-Dame. Durant la messe, la Musique
municipale a exécuté divers morceaux de circonstance. Après l’élévation, un
chœur a été chanté par la maîtrise russe dirigée par M. SOLAR. On a
généralement regretté que M. PONS, l’organiste de Notre-Dame, n’ait pas fait
entendre en cette solennité funèbre les grandes orgues qui, au grand
désappointement de tous, sont restées muettes. La cérémonie funèbre terminée,
le corps a été conduit au cimetière de Caucade. L’Eclaireur de Nice
Christian Declerck, 19 septembre 2024
Il laisse de nombreuses compositions, la plupart sont conservées à la BNF :